Deux Conceptions du Temps
Le passage du temps peut être envisagé de deux manières opposées. La première, inspirée par saint Augustin, soutient que le temps s’écoule de l’avenir au présent, pour rejoindre le passé. Cette vision, basée sur la pensée prévisionnelle, stipule que le futur est déjà inscrit dans une forme divine, prêt à se manifester. L’astrologie, par exemple, fait appel à cette idée en prévoyant les mouvements des astres comme des potentialités à venir.
La deuxième conception, plus ancrée dans le matérialisme scientifique, soutient que le passé engendre le présent, lequel façonne le futur. On parle ici de la « flèche du temps », une direction linéaire dans laquelle le temps progresse du passé vers l’avenir. Cette vision trouve un écho dans l’observation scientifique, où le présent semble être le produit de l’histoire et des conditions passées.
Le Passé et l’Avenir : Une Interaction Complexe
Cependant, réduire le passage du temps à une mécanique unidirectionnelle et déterministe serait une vision trop simpliste. En effet, l’homme intervient par ses choix, sa liberté, et son influence dans le présent. Ainsi, le présent ne serait pas uniquement le produit du passé ou l’écho du futur, mais un carrefour d’influences où la liberté humaine peut façonner la réalité.
Le présent pourrait ainsi s’appartenir à lui-même, et non pas seulement découler des événements passés ou des prévisions futures. L’idée de la liberté humaine, telle que définie par Bergson, soulève cette question fondamentale : le présent est-il un simple enchaînement des événements, ou une entité qui se déploie selon sa propre dynamique ?
Le Présent : L’Accumulation du Passé et les Traces du Futur
Le présent peut aussi être vu comme le point d’accumulation du passé, un carrefour où les traces des actions et paroles des ancêtres subsistent et influencent encore notre quotidien. Si nous découvrons des vestiges de civilisations disparues, comme des squelettes de dinosaures ou des villes englouties, ces traces témoignent de l’accumulation du passé dans notre présent. De même, nos inconscients conservent des informations laissées par le passé, et les lieux gardent la mémoire des événements qui y ont eu lieu.
En ce sens, chaque geste, chaque parole a des conséquences qui, bien que disparues dans le temps, continuent d’influencer le présent. Ce phénomène peut être interprété comme une forme de mémoire universelle, où le passé subsiste sous forme de traces, influençant subtilement notre réalité.
Le Futur : Une Source de Possibilités
Le futur, cependant, n’est pas simplement une continuité du passé. Il est aussi une source de possibilités latentes. Les lois de la nature et de l’univers, souvent découvertes par les scientifiques, existent en potentialité, prêtes à être révélées au fur et à mesure des avancées humaines. Ces possibles influencent déjà le présent, même si leur réalisation n’a pas encore eu lieu.
L’idée d’un futur comme ensemble infini de possibles se confronte à la vision de la divinité comme un grand horloger, où tout serait déjà déterminé. Au contraire, si nous acceptons l’idée d’une indétermination, comme l’a suggéré Jacob Boehme, le présent deviendrait un espace de liberté, façonné par le passé, l’avenir et cette contingence qui nous rend responsables de nos actions.
La Liberté du Présent
La question qui se pose alors est la suivante : le présent reste-t-il libre ? Si l’on imagine un Dieu comme un horloger suprême, le temps serait une mécanique préétablie. Mais si, au contraire, nous pensons que le présent peut surgir de l’interaction de plusieurs forces — le passé, le futur et une part d’indétermination — alors le présent serait le fruit de la liberté humaine, un espace où l’homme peut encore exercer sa responsabilité.
Le passage du temps ne se résume donc pas à une simple flèche allant du passé à l’avenir, mais à un entrelacement complexe de forces et de choix humains, où le présent joue un rôle actif dans la construction de notre réalité.